Réelle, car les guérisseuses, avorteuses, sages-femmes, et toutes les femmes importantes pour la communauté ont pu être qualifiées de sorcières - et parfois assassinées pour cela. Réelle car les bûchers des sorcières ont ensanglanté la France, et l'Europe, du XIVe au XVIIe siècles principalement. Réelle car dès qu'une femme devenait "encombrante" (veuve, héritière, etc), elle avait trop souvent tendance à être accusée de toutes sortes de méfaits, à être physiquement torturée (on leur fouillait les genitalia, quand même) et à finir sur le bûcher.
Imaginaire, car toutes ces créatures, Circé, Médée, Hécate, Mélusine, Morgane, et tant d'autres, sont bien entendu des créations de l'esprit humain (principalement masculin). Imaginaire, car toutes ces femmes bien réelles et condamnées au bûcher n'ont jamais eu le moindre pouvoir magique. Toutes ces superstitions étaient fondées sur de la mauvaise foi qui visait les femmes, puisque 80% des personnes mortes sur le bûcher étaient des femmes.
Comment expliquer cet acharnement ? Julie Proust-Tanguy nous donne la même explication que beaucoup d'autres : nous vivons dans une société patriarcale où les hommes refusent que les femmes puissent avoir la moindre parcelle de pouvoir, puissent prendre des décisions sur la vie et la mort des hommes, des femmes enceintes, de tout le monde. Un homme peut être médecin, il sera respecté ; une femme ne peut pas être guérisseuse (avorteuse ! la descendance de l'homme, qui lui appartient !), sinon elle sera taxée de pouvoirs magiques sataniques. Dès qu'un domaine peut avoir une importance, un pouvoir quelconque, il doit être l'apanage des hommes.
ça devenait un peu difficile à écouter, cet acharnement des hommes contre les femmes, mais ces choses sont bien réelles et doivent être dites !
J'ai profité de la séance de dédicace pour demander des conseils à Julie (copine ActuSF !) sur mes propres projets sur la sorcellerie. Ce thème me fascine aussi, mais j'ai du mal à trouver des idées originales. Julie m'a suggéré de la sorcellerie d'aujourd'hui, avec des compétences en informatique par exemple, un XXIe siècle au féminin qui s'empare du monde actuel et de ses problématiques. C'est très intéressant, différent des idées que j'ai eues jusque-là.
Bref, une soirée à la fois motivante, pessimiste et instructive !
Biblio (seulement les indispensables !) :
Voir la bibliographie en ligne réalisée par l'autrice.
Henri Institoris et Jacques Sprenger, Le Marteau des sorcières, Malleus Maleficarum (1487)
Jean Bodin, De la démonomanie des sorciers, Paris, Jacques du Puys, 1580, 613 p.
Jules Michelet, La Sorcière, Louis Hachette, 1862.
Jean Delumeau, La peur en Occident (XVIe-XVIIIe siècles), Fayard, 2011, 607 p. (présentation en ligne [archive]).
Claude Lecouteux (préf. Régis Boyer), Fées, sorcières et loups-garous au Moyen Âge : histoire du double, Imago, 1996, 227 p.
Création : 17/05/2019
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