SF ou fantastique ?

SF ou fantastique ?
SF ou fantastique ?

Le Labyrinthe de Pan (pour Halloween 2023 !)

Je pensais que c'était juste un joli petit film de fantasy ou de SF, mais un peu violent et gore quand même. Je suis allée le voir surtout parce que je voyais tout le temps des avis positifs sur ce film. En fait, je ne savais pas trop en quoi il consistait...
Et puis je pensais que la quasi intégralité du film se déroulait dans ce fameux labyrinthe. Or non.

Ce film est la démonstration explicite de ce qu'est la fantasy : une création imaginaire construite à partir de notre réalité pour cerner et critiquer cette dernière. Et pour la fuir quand elle devient insoutenable.




C'est ce qui arrive à cette petite fille qui s'aventure dans ce labyrinthe. Sa vie lui offre de moins en moins de bonheur, avec son père décédé, sa mère soucieuse de son nouveau mari et de son nouveau bébé à naître, son beau-père potentiellement inquiétant. Elle se sent de trop - elle EST de trop. Et ce qui se sentait dès les premières scènes se concrétise : ce beau-père se révèle être un salaud dangereux.

(SPOILERS)

Alors le mécanisme du rêve et de l'espoir se met en marche : la fillette est la princesse d'un royaume aimant et disparu, elle peut le retrouver et regagner sa place. Mais il lui faut affronter des épreuves et prouver qu'elle est une bonne personne, une héroïne courageuse, pour mériter ce bonheur.

Bonne élève, et désespérée, elle suit les indications du faune du labyrinthe, dont on ne sait pas vraiment s'il est une influence positive ou non dans ce conte : est-il une sorcière déguisée en bonne fée ? La fillette n'a plus le choix : son beau-père est dangereux, sa mère ne peut plus la protéger, le faune et le domaine imaginaire deviennent son seul refuge.

Sa mère meurt en accouchant, alors elle s'enfuit avec son petit frère nouveau-né. Elle refuse de le rendre à son beau-père qui la tue. Et c'est ce sacrifice qui lui ouvre enfin les portes de son royaume et sa place de princesse aimée.

Une petite fille innocente et courageuse ne peut pas vivre dans ce monde réel et violent. Elle en meurt, mais peut ensuite se réfugier pour l'éternité dans son royaume imaginaire. Cette fin est poétique face à la violence de la réalité.

C'est effectivement un joli film, qui manque quand même de subtilité (les gentils et les méchants), mais agréable à regarder. Sauf les scènes des épreuves dans le labyrinthe, qui sont quand même particulièrement dégueu. Est-ce que c'était vraiment nécessaire ? On n'est pas dans Alien.
Les couleurs sont belles et magnifiées, mais un peu trop justement. Les lèvres de la petite fille sont gonflées et d'un rouge flamboyant, comme si on voulait la sexualiser. C'est gênant.

Et une mention spéciale au Faune, Pan, qui tient de l'animal, de l'insecte, de l'humain, et qui est très réussi au niveau gestuelle / bruitages / voix. Fascinant et effrayant à la fois. Très chouette.

Un beau moment de cinéma, mais son succès me paraît quand même un peu exagéré.

Au MK2 Bibliothèque


Création : 31/10/2023

Pandemonium, à l'Etrange festival

Je retourne au Forum des Images pour l'Etrange Festival 2023 !

Aujourd'hui c'est Pandemonium.



ça a l'air un peu "simpliste" quand le film commence, pas d'effets spéciaux, de gros mouvements de caméras, etc. Et pourtant une sorte d'ambiance s'installe dès le début, parce qu'on connait le titre du film, et qu'on a un aperçu de ce dont il parle, des thèmes qu'il va aborder.
Le lieu de tous les démons. Que se passe-t-il après la mort. Qu'en est-il du paradis et de l'enfer. Y a-t-il un purgatoire ?

Que de questions métaphysiques, dans un paysage on ne peut plus "lambda", avec un personnage qui apparaît, lui aussi on ne peut plus "lambda". Et qui réagit comme on réagirait nous. Est-ce que c'est cette banalité de la mise en scène qui nous donne cette impression toute bizarre ? L'impression que ce film ne va pas traiter ces thématiques de la même manière que les autres. 
Je pense que c'est la musique qui me fait cet effet. Elle n'a rien de banal, et elle crée une atmosphère d'inquiétude, mais plus de fatalité que d'angoisse. L'impression que le film est à peine commencé, mais que c'est déjà trop tard.

Et pendant tout le film, cette impression lancinante... C'est déjà trop tard, c'est bien, bien trop tard.


Les personnages apparaissent, les uns après les autres, et finissent par comprendre, en même temps que les doutes des spectateurs sont dissipés : ils apparaissent à l'écran quand ils meurent dans leur vraie vie. On a affaire à un accident de voiture mortel, et 2 hommes sont morts, ainsi qu'une petite fille.

Des portes s'ouvrent dans le vide, des musiques ou des cris se font entendre, de l'un ou de l'autre personnage. Chacun se demande ce qui l'attend, paradis ou enfer, purgatoire ? Face au doute et à l'anxiété, aucun des deux hommes ne se montre très brillant. Et la petite fille est très lucide : "Vous irez en Enfer pour ce que vous m'avez fait !". 

Elle a raison. Quand le deuxième homme franchit sa propre porte, c'est l'Enfer qui l'attend. Est-ce seulement un purgatoire ? On peut en douter. Tout dans cet Autre-monde n'est que torture, meurtre et désespérance.
"L'Humanité est mauvaise par nature et doit expier ses péchés".


John Martin, Le Pandemonium, 1825



Mais j'aimerais revoir cet Autre-monde, parce qu'il est intéressant et qu'il me fait penser à d'autres créations cinématographiques d'Autre-monde : Stranger Things, et Constantine.
Un mash-up ?

Une expérience étrange, déroutante.
La deuxième partie frôle l'incompréhensible et est violente, elle met mal à l'aise.
Mais j'ai aimé le film, j'aimerais le revoir !


Création : 15/09/2023

Creep (Colo Panic Cinéma ! Forum des Images)

Creep, de Patrick Brice :

La Colo Panic! Cinéma, au Forum des Images. Carte blanche à François Descraques.


https://youtu.be/Gp7tBypjwDo
https://www.forumdesimages.fr/les-programmes/la-colo-panic-cinema-2023/creep



 
Avec Patrick Brice, Mark Duplass
Fiction l États-Unis l vostf l 2014
77 min l Couleur l Cinéma Numérique 2K
Found footage.

Atteint d’une tumeur au cerveau, Josef fait appel à Aaron, un jeune réalisateur, pour filmer ses derniers jours.

Il vaut mieux en savoir le moins possible pour apprécier totalement Creep, petite pépite écrite et interprétée par Patrick Brice et Mark Duplass. Deux acteurs (par ailleurs scénaristes du film), un lieu unique, le tout filmé en mode found footage : en dépit d’une économie de moyen savamment dosée, le duo fait preuve d’un talent certain pour faire monter le trouillomètre. Une merveille, inédite en salle chez nous, qui fut suivie d’un second épisode, en attendant impatiemment un troisième récemment annoncé…

« Creep, c’est un two-men show dont un qui tient la caméra. Une comédie horrifique haletante filmée au caméscope dans une maison. Le meilleur film rapport qualité prix. » — François Descraques.


Le descriptif en dit peu, et il a bien raison : moins on en sait dès le départ, mieux cela fonctionne.


[Spoilers]


Tout est faux dans ce film, et il vaut mieux le découvrir au fur et à mesure de l'histoire !

On découvre cette histoire en même temps que l'un des deux personnages, Aaron, celui qui tient la caméra. On s'identifie à lui, car c'est à lui que les choses arrivent, et parce que ses réactions sont les nôtres. On SAIT qu'on réagirait exactement comme lui, nous sommes lui, lui est nous, c'est-à-dire quelqu'un de lambda et de normalement constitué, et on rit tellement ses réactions sont les nôtres.

On ne le voit pas réellement car il est derrière la caméra presque tout du long, mais on entend sa voix – donc ses intonations, et on ressent toutes ses réactions grâce aux mouvements de la caméra, et ça, c'est vraiment très très bien fait. C'est un modèle de caméra subjective que ce film nous donne. Un plaisir. La technique bien maîtrisée, ça permet de faire des choses chouettes !

L'autre personnage, Josef, qui veut garder une trace de ses derniers moments, mérite un article à lui tout seul. Dès les premières minutes du film, il se montre sous un jour extrêmement sympathique, chaleureux, débonnaire, débordant de de vie. Et parallèlement, il est mis en scène de manière inquiétante, comme si le réalisateur tentait de nous prévenir dès le tout début qu'on doit se méfier de lui.

Et c'est là le génie du film, ce jeu sur les codes du film d'horreur à la Scream : le réalisateur joue avec nous, avec nos réactions et nos questionnements. Josef est-il réellement dangereux ? A quoi s'expose Aaron exactement ? Josef est montré comme dangereux, mais il se montre sympathique, et après tout sur quoi peut-on se baser pour être sûr qu'il est dangereux ? Tout est une question de mise en scène, de propos innocents mais rendus volontairement ambigus par le réalisateur, de scènes qui ne sont inquiétantes que parce que le réalisateur a décidé de jouer avec nos nerfs. Autant dire que tout cela fonctionne à fond.

Ce double jeu provoque une grande hilarité. Le film est décrit comme une comédie horrifique, et je suis bien d'accord. On rit du début à la fin, parce qu'on est pleinement conscient du jeu sur les codes de l'horrifique, et parce qu'on est totalement avec Aaron qui ne sait pas trop quoi faire face à cette expérience on ne peut plus bizarre.


La fin est un peu excessive à mon goût, j'aurais préféré que l'intégralité du film se déroule dans le châlet à la montagne, mais sinon le mélange de trouille et de rigolade fonctionne jusqu'à la fin, et c'est vraiment sympathique.



Création : 08/08/2023  

Barbie

J'avais entendu parler de la réalisation de ce film, je me suis dit "Mais ça fait pitié, c'est quoi cette idée ridicule ?".

J'ai ensuite vu quelques images, comme Ryan Gosling en costume de Ken, et je me suis dit "Mais il a perdu un pari stupide, ou il aime juste se ridiculiser en mode masochiste ?"



J'ai ensuite vu davantage d'images, et je me suis dit "Putain, ça fait mal aux yeux, toutes ces couleurs fluos !"

 

Et puis j'ai lu beaucoup de commentaires, beaucoup de retours... Ce film a littéralement envahi mon Twitter. Et j'ai vu beaucoup de femmes dire qu'elles avaient aimé et que ce film est féministe, j'ai vu beaucoup d'hommes dire qu'ils n'avaient pas aimé et qu'ils étaient choqués de voir que Ken était traité comme un accessoire (tiens, tiens, ça fait bizarre quand on n'a pas l'habitude !). La droite et l'extrême-droite se sont beaucoup manifestées pour dire à quel point elles étaient scandalisées et que ce film voulait détruire le couple, les hommes, la famille, les bébés, le "rôle naturel de la femme". La gauche rigolait devant les réactions un peu outrancières de la droite, et disait son bonheur de voir un film comme ça, qui se démarquait vraiment de ce qu'on voit d'habitude.

J'avais de plus en plus envie de voir ce film, pour me faire ma propre opinion, et pour donner une entrée supplémentaire à ce film pour emmerder les mascus (soyons honnêtes).

 

Et puis il a commencé à y avoir une comparaison, puis une concurrence, une très forte concurrence, entre Barbie et Oppenheimer, qui sont sortis à peu près en même temps, par le hasard du calendrier. Beaucoup voulaient donner plus de visibilité, plus de qualité, plus d'importance à ce film, pour tenter d'invisibiliser Barbie.

Au début, je n'avais clairement pas envie de voir Barbie (je pensais que c'était du Toy's Story en encore pire), et Oppenheimer me paraissait tentant (j'aime Nolan et le sujet m'intéresse bien) sans que j'aie spécialement envie de me déplacer au cinéma.

Et bien toutes ces réactions m'ont décidée : je suis allée voir les deux !

 

Alors Oppenheimer : très bien, plus compréhensible que les autres films de Nolan, assez onirique car on est dans la tête d'Oppenheimer qui est brillant et qui va quand même très loin. L'horreur de la bombe atomique et le contexte particulier de sa création sont bien construites dans ce film, même si ce n'est pas un documentaire historique bien sûr. Je le reverrai avec plaisir.

 

Et puis Barbie. Alors là, strictement aucun point commun avec Oppenheimer. Donc c'était bien ce que je pensais : l'acharnement à comparer les deux n'était vraiment qu'un prétexte pour tenter d'assassiner Barbie. Franchement, c'est une attitude ridicule. De toute façon, ce n'est pas l'un ou l'autre, ce n'est ni l'Eurovision, ni la Palme d'or. On peut voir les deux, on peut aimer les deux, on n'est pas obligé de choisir.

 

C'est bien mon cas. J'ai aimé les deux. Une préférence pour l'un des deux ? Non, pas vraiment, et de toute façon, quel intérêt ?

Oppenheimer a plein de qualités, mais Barbie tranche et se remarque, non en raison de ses qualités intrinsèques, mais pour son positionnement dans notre contexte politique, social, familial, sexuel, genré.

Comme j'ai dit à mes collègue, Barbie, c'est le patriarcat expliqué aux moins de 12 ans.

L'univers est bel et bien Barbie : un univers de petites filles bien cliché, avec du rose et du fluo, des dialogues et des situations "bébé". Et à partir de là, la réalisatrice explique et dégomme tout : la situation des femmes qui ont le pouvoir et l'omniprésence alors que les hommes n'existent que comme plantes vertes (serait-ce un renversement des rôles que l'on connaît dans la réalité ?...), les injonctions à être féminine (les pieds soudainement plats alors que les pieds des poupées Barbie sont cassés pour les talons aiguille – j'ai hurlé de rire en voyant ça, tout comme le reste du public), les hommes du monde réel qui ont commercialisé Barbie pour s'enrichir mais qui ne veulent surtout pas qu'elle s'émancipe... C'était tellement drôle et ça ciblait tellement juste ! C'était à la fois premier degré (le monde de Barbie) et second degré (la critique du patriarcat grâce au renversement de situation, via le regard de la Barbie originelle qui ne comprend pas que le monde réel ne soit pas contrôlé par les femmes comme dans son monde à elle – elle est choquée et c'est juste énorme).

Donc des punchlines d'apparence simplistes (Barbie, le patriarcat expliqué aux moins de 12 ans...) mais en fait très bien trouvées. "Je me sens dévisagée, réduite à un objet, c'est la première fois que ça m'arrive, c'est horrible", dit Barbie quelques minutes à peine après être arrivée dans le monde réel. Mais oui, c'est tellement ça... Et c'est dit dans un film hollywoodien que plein de gens ont regardé. C'est génial.

 

Evidemment, ce film n'est pas parfait – mais quel film est parfait ? Oui, c'est une opération géante de publicité pour Mattel (après, on n'est pas non plus obligé d'acheter les poupées, même si on a aimé le film). Oui, c'est fluo, rose à paillettes, et simpliste.

Je crois que les brillantes analyses philosophiques, sociologiques, politiques, etc, ont oublié un truc : c'est BARBIE ! Vous savez, les poupées des petites filles, qui sont historiquement roses à paillettes parce que la société en a décidé ainsi. Et le film consiste en grande partie à dégommer cette pression sociale. Vous pensiez voir un film gothique ?

Et oui, c'est simpliste, vu que c'est à la base l'univers de PETITES FILLES ! Vous pensiez voir un documentaire ou un film d'art et d'essai ?

Ce film part de l'univers Barbie et le met sens dessus-dessous. C'est ça qui est chouette.

Et le titre devrait quand même mettre la puce à l'oreille.

 

Par contre, la place de Ken à la fin... Pour une fois qu'on a un film de femmes, sur les femmes, avec des femmes, qui n'en n'ont rien à foutre des hommes. Laissez-le nous. Ça fait du bien aussi. On a eu droit à l'inverse pendant si longtemps. Alors on peut quand même se permettre de faire sans Ken, pour cette fois. Dégagez-le. Sérieusement. Voilà.


Il faut que je revoie la fin. Elle a l'air intéressante.


Création : 01/08/2023