SF ou fantastique ?

SF ou fantastique ?
SF ou fantastique ?

Genèse des Loups de Thornwall

Je me souviens du moment où j'ai commencé cette histoire... J'avais une vingtaine d'années, j'étais à la fac, j'avais déjà écrit 2 ou 3 nouvelles au lycée, j'avais envie de me lancer dans une autre histoire, plus conséquente, plus longue, plus sérieuse, et je venais de lire Dracula de Bram Stoker.


Des déclencheurs


Tout cela a cogité dans ma tête, je pensais à l'oeuvre d'envergure qu'était Dracula, je pensais au fantastique que j'ai toujours beaucoup aimé (j'ai eu une période gothique légère quelques années après), et j'ai pensé au loup-garou, le mal-aimé des récits fantastiques, le parent pauvre des histoires de vampires, la créature qu'on pense mal finie, pas intéressante, pas assez riche au niveau mythique pour fournir une matière substantielle à l'imaginaire, à la fiction, à l'inconscient humain qui au fond est en jeu dès qu'il s'agit de littérature, d'art, de fiction, et plus spécifiquement de fantastique car c'est le genre de prédilection pour exprimer ses peurs et ses non-dits.

Un mythe sous-exploité


Je n'avais pas d'autres informations sur le mythe du loup-garou, pas plus que d'autres amateurs de vampires et de littérature fantastique, mais j'avais l'intuition que quelque chose de plus important, de plus essentiel se cachait derrière cette « malheureuse bestiole toute moche qui mord et qui est incontrôlable et dangereuse ».

Même la série Buffy contre les vampires, qui est pourtant le grand amour sériphile de ma vie (à égalité avec Dr Who), avec des vampires et autres créatures de la nuit très réussies, très profondes, ne fait pas du loup-garou quelque chose de subtil et nuancé, quelque chose à creuser. Le personnage d'Oz est intéressant parce que bien construit, pas parce que le mythe du loup-garou est bien développé.


On a la thématique manichéenne Bien-Mal, comme pour les vampires, mais chez eux c'est très nuancé et développé (Spike), alors que ça ne l'est pas pour le loup-garou. 

C'est de la discrimination ! Je m'insurge.

D'ailleurs, en parlant de Dr Who, que j'ai découvert bien plus tard que Buffy, il y a aussi au moins un loup-garou dedans, et il est aussi raté que dans Buffy.

Horrible, non ?
Ô vous les créateurs de séries et d'univers, les artistes, les créatifs, s'il vous plaît, ne sabrez pas ces mythes qui sont d'une richesse incroyable, faites des recherches, ne vous contentez pas des 3 premiers clichés que tout le monde connait, allez au fond des choses, donnez leurs lettres de noblesse à tous ces mythes que vous réutilisez, vos œuvres en gagneront en qualité et votre public en reconnaissance et en fidélité.

Ceci est un appel à valoriser notre patrimoine culturel imaginaire, fictionnel et mythique. Car nos mythes ont un sens, un sens très important même si souvent oublié, et cela compte plus que l'on s'imagine. Notre psyché le sait et nous les réclame, même si nous ne l'écoutons pas toujours beaucoup.

Mon écriture, mon histoire, ma bataille


Donc je me suis lancée dans l'épopée de l'écriture d'une histoire différente des autres histoires de loups-garous, une histoire qui cherche à remonter au fond mythologique de cette légende, qui veut lui redonner tout son potentiel mythique, fictif, psychanalytique. J'ai voulu faire pour le loup-garou ce que Bram Stocker a fait pour le vampire. En toute modestie.


Et puis, après tout, pourquoi pas ? Je sais écrire, j'écris bien, on me le dit depuis toujours, j'ai des idées, j'aime écrire des histoires, je ne pense pas être forcément plus nulle dans ce domaine que certains écrivains publiés qui ne sont pas non plus des monstres sacrés de la grande littérature mais qui prennent plaisir à écrire, qui font plaisir à leurs lecteurs, et qui apportent eux aussi leur pierre à l'édifice de la création, des idées et de la fiction.

Tout le monde n'est pas Yourcenar, mais est-il besoin d'être Yourcenar pour apporter quelque chose, pour créer, pour contribuer à la culture ?
J'espère que non.

La genèse du mythe avant celle de mon roman


Tout en cherchant des idées, tout en cherchant à mettre de l'ordre dans toutes mes idées, souvent foisonnantes et incompatibles entre elles, tout en cherchant à comprendre ce que je voulais dire dans cette histoire, je me suis aussi lancée dans des recherches sur la mythologie du loup-garou, sur la genèse pluri-séculaire et multi-origines de cette créature qui au final est si peu connue aujourd'hui.
J'ai même créé pour cela un site Internet, qui s'est transformé en blog parce que je ne maitrisais pas trop mon Google site, alors que je m'en sors plutôt pas trop mal avec les blogs de Google, jugez plutôt :

Je n'y consacre pas tant de temps que ça, mais un de mes souhaits était à terme de créer un site ou blog qui fasse référence dans ce domaine, qui crée de la vulgarisation scientifique et populaire sur ce mythe mal aimé car mal connu. Je ne sais pas encore ce que ce projet donnera.

Ma façon d'écrire, de créer


Et tout cela alors que j'ai d'autres choses dans ma vie, bien sûr : les études, puis la vie professionnelle, les déménagements, les voyages, les séries TV...

J'écris depuis toujours, mais je n'ai pas une façon d'écrire très productive, dans le sens où je n'écris pas souvent (je suis vraiment très loin d'écrire tous les jours), mes journées de grande production sont de deux ou trois heures sur une journée où je ne fais que ça et où j'écris deux ou trois pages grand maximum, j'ai besoin d'être dans ma bulle pour y arriver, j'ai besoin d'énormément de concentration et d'avoir déjà la scène en tête (au moins le début) avant de commencer à l'écrire, sinon c'est l'angoisse de la page blanche assurée (bon, ça n'est pas vraiment une angoisse, parce que je n'écris pas pour vivre, mais c'est une page blanche sans le moindre doute). Sans compter que je ne reste pas sur une première version, rarement sur une deuxième, et que mes périodes d'écriture sont souvent plus de la réécriture que de la création pure. Tout cela fait qu'en 15 ans j'ai réussi à écrire une grosse centaine de pages Word, ce qui à première vue n'a rien d'un exploit.

En fait, techniquement, j'en ai écrit peut-être le double, mais une grande partie était à jeter car elle n'allait pas avec la base du roman – j'ai fait un énorme bond en avant dans la cohérence et la structure de mon histoire lorsque j'ai décidé de sabrer certains passages dont je n'arrivais rien à faire. C'est étrange de faire ça, au début ça crée un vide et on regrette, puis on se rend compte qu'on se sent plus léger, comme débarrassé de poids morts, et on peut repartir du bon pied, sur des bases nouvelles, plus propres et plus solides.

Donc voilà, 130 pages propres en quinze ans, avec une prose extrêmement travaillée, relue, décortiquée, avec des recherches de synonymes et même l'emploi de termes que je ne connaissais pas et que j'ai découverts dans le dictionnaire des synonymes (mon ami pour la vie). Sans compter un travail sur la ponctuation et la mise en page / structure (sauts de ligne etc) que vous n'imaginez même pas. J'ai une manière de travailler mes textes qui vise la qualité plus que la quantité, qui fait de la dentelle délicate plus qu'une multitude de rebondissements. Je n'ai rien contre les auteurs et les textes qui misent plutôt sur une écriture de type commerciale, j'aime beaucoup Stephen King, mais quand j'écris, j'ai une démarche de type Lovecraft (sans vouloir me comparer à lui en terme de qualité du résultat final) : j'écris peu, mais j'hésite sur chaque mot, je veux créer une ambiance, développer la syntaxe de mes phrases pour qu'elles créent l'effet voulu chez le lecteur, je veux cerner la moindre parcelle des émotions qui saisissent mes personnages, saisir la moindre nuance de sens dans leurs réflexions ; je veux travailler la langue pour qu'elle exprime quelque chose qui n'a jamais été dit avant, une autre manière de voir les choses. J'espère y parvenir au moins un peu.

Des soutiens !


J'ai donc persévéré, soutenue par Jeanne, mon amie de toujours (amour et gratitude sur elle, depuis le début et pour toujours), et quasiment que par elle durant l'immense majorité des 15 longues années que la rédaction de ce roman m'a pris.

Pour l'anecdote, soit mes amis trouvaient ça bizarre, soit ils s'en foutaient, soit je ne leur en parlais carrément pas, justement par lassitude envers le « ah ouais ? Ah, c'est bizarre ». (Je reconnais qu'au final, peu de mes proches étaient au courant, mais est-il vraiment utile de parler de roman de loup-garou à des personnes qui ne lisent pas, n'aiment pas les littératures de l'imaginaire et ont l'air effrayées quand je parle de films de vampires?)

Un grand merci donc, au passage, à ceux et celles que les hasards de la vie ont placées sur mon chemin et qui m'ont encouragée dans mon projet, même quand le thème ne les passionnait pas : par ordre chronologique, Jeanne, Ewa, Christophe, Benjamin, Richard, et bien sûr tous ceux et celles d'Actusf, grâce à qui je me sens moins seule dans mon délire !

L'étape délicate de la relecture


Et il y a l'étape de la relecture par les amis, en l'occurrence Jeanne, Ewa et Benjamin. J'ai pensé à demander à des inconnus de relire mes textes, lors d'ateliers d'écriture sur OnVaSortir ou sur des forums d'aide en ligne du style Cocyclis, mais je n'arrive pas à confier mes textes à des gens que je ne connais pas. C'est psychologiquement trop violent pour moi, avant une éventuelle publication par un éditeur. J'ai essayé une fois, ça a été plus dommageable que profiteur. C'est embêtant, mais je fonctionne comme ça.

Ce n'est qu'une fois le texte fini et propre à mes yeux que je peux supporter le regard extérieur, et encore, celui de mes proches, des personnes que je connais bien et en qui j'ai confiance, pas le regard de n'importe qui.
Mais ça ne m'a pas empêchée de proposer mon roman à tout un tas d'éditeurs, une fois que je l'ai considéré abouti ! Et je suis infiniment heureuse d'être publiée, sans réserve aucune !

C'est bien mystérieux tout ça, ce refus de montrer son texte aux autres, un peu à la manière d'un collégien qui a peur du regard de l'adulte parce qu'il a peur que son texte ne soit pas à la hauteur, parce qu'il se sent mis à nu dans ce texte qu'il a écrit avec ses tripes, parce qu'au fond l'écriture même scolaire et formatée reste une chose intime et difficile à dévoiler. Quand on écrit, on montre une partie de soi qui est cachée la plupart du temps, y compris à soi-même, on parle explicitement ou non de ses fantasmes, de ses angoisses, de ses rêves, et tout cela relève le plus souvent de la vie privée, de la vie intime, voire de l'inconscient, car c'est souvent en analysant ses propres créations qu'on comprend, qu'on prend conscience d'aspects de sa personnalité qu'on ignorait – ou qu'on ne voulait pas connaître.
J'ai passé 15 ans sur une histoire de loup-garou, et les deux prochaines nouvelles que j'ai envie d'écrire, sans compter le remake du Projet Blair Witch, mettent en scène loup-garou, sorcière, vampire. Qu'est-ce que cela révèle de moi ? 


La personne la plus à même de comprendre cet aspect de l'écriture serait sans doute un psychiatre, qui en fait pourrait apporter des éléments de compréhension aussi bien qu'un critique littéraire. Il aurait autant de légitimité, non seulement pour analyser une œuvre, mais aussi pour analyser le processus même de l'écriture.

Bref, lorsque j'ai fait lire mon texte à mes amis, je leur faisais confiance (sinon, tout amis qu'ils soient, je ne leur aurais pas donné), et pourtant c'est avec la boule au ventre que je l'ai fait. J'appréhendais, à la manière d'une petite fille qui attend l'approbation d'un adulte, à la manière d'une débutante qui attend le verdict de l'expert, à la manière de quelqu'un qui vient de faire des confidences ultra-intimes à un nouvel ami et qui ne sait pas trop à quelles réactions s'attendre de sa part.

Ô bêta-lecteurs de tous horizons, s'il vous plaît, même si ce que vous lisez vous paraît catastrophique, soyez compatissants envers celui ou celle qui vous a donné cette marque de confiance, épargnez son hyper-sensibilité (on est hyper-sensible sur le sujet quand on est auteur débutant), et ne soyez pas trop durs dans vos remarques !
Mention spéciale à toi, Benjamin : tu m'as dit « C'est de la merde » à propos de mon texte, et « ne soit (sic) pas trop dure » à propos du tien...

Mes sources d'inspiration, mes auteurs et mes œuvres fétiches


Vous aurez compris que j'aime la littérature fantastique et gothique. Parmi mes œuvres préférées, il y a Les Hauts de Hurlevent d'Emily Brontë, un livre parfait à mes yeux, où chaque passage est à graver dans du marbre. Il y a tout Lovecraft aussi, bien sûr, un Américain du XXe siècle qui écrit comme un Anglais du XIXe, ce qui est le plus beau compliment que je puisse lui faire.

La littérature fantastique française du XIXe siècle, avec Maupassant, Mérimée, Balzac, Gautier, Nodier, Barbey d'Aurevilly, Villiers de L'Isle-Adam, est une grande source d'inspiration pour moi, et je déplore que le fantastique aujourd'hui n'ait plus cette qualité de style et de vocabulaire que le XIXe a donné à la littérature. Une qualité d'idées aussi, car miser tout sur le gore comme on a tendance à le faire aujourd'hui, ce n'est pas rendre service à notre art littéraire. Sans prétendre égaler ces grands maîtres, j'ai malgré tout essayé de travailler mon texte pour rendre hommage à notre patrimoine littéraire.

Et il y a les récits fantastiques sur les vampires. Dracula de Bram Stoker et les Chroniques des Vampires d'Anne Rice sont pour moi des exemples à suivre, parce qu'ils sont très bien écrits, parce qu'ils ont des idées et qu'ils vont au fond des choses. Oui, il y a des lieux communs dans les mythes du vampire et du loup-garou, sinon ce ne serait pas des mythes : ils sont faits d'un ensemble de mythèmes qui chacun ont leur signification. Le talent d'un auteur sera alors de comprendre et de s'approprier ces mythèmes afin de créer une œuvre originale qui les réutilisera intelligemment pour leur redonner tout leur sens, pour réactiver leur sens. C'est le même travail de réécriture du mythe que j'ai souhaité faire dans mon roman.

Et il y a les romans sur les loups-garous, la trilogie du Dernier Loup-garou de Glen Duncan, et Kornwolf le démon de Blue Ball de Tristant Egolf, qui me redonnent espoir sur la capacité des auteurs de notre époque à se réapproprier ce mythe et à lui redonner de l'importance, dans la violence certes, mais une violence travaillée et pleine de sens. J'ai lu ces romans après avoir fini mon histoire, mais j'ai l'impression que ces auteurs avaient en partie les mêmes ambitions que moi. Et cela fait plaisir à lire !


Je vous souhaite de tout cœur une belle lecture, des moments riches et intenses aux côtés de Gwern et Éléonore, mes deux personnages qui ne me quitteront jamais.



Création : 22/11/2018

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