SF ou fantastique ?

SF ou fantastique ?
SF ou fantastique ?

Festival des idées 2021 : Trop de monde sur Terre d'ici 2050 ?

Cette fois, ce ne sont pas des écrivains de SF qui essaient d'imaginer le futur, de le réparer ; mais des scientifiques, des journalistes, des économistes, des philosophes ; des femmes qui ont conscience de la réalité et veulent la réparer.

Le festival des idées, c'est un temps et des lieux où on travaille des idées, théoriques mais aussi pratiques. 


Aujourd'hui vendredi 19 novembre 2021, c'est la question de la démographie : 


"Entre surconsommation et épuisement des ressources, le spectre de la surpopulation effraie. Pourtant les études et les réalités locales vont à l’encontre du « bon sens »…

Avec bientôt 9 milliards d’individus sur Terre, la démographie s’envole et nourrit de nombreux discours anxiogènes sur notre futur. Le système Terre saura-t-il absorber cette croissance continue ? En quoi avons-nous une vision trop simpliste de la question ?

Le démographe Jacques Véron décortique bon nombre d’idées reçues sur la démographie planétaire. 
La journaliste Bénédicte Manier, spécialiste de l’Inde et dont les livres ont directement inspiré le film Demain, analyse de près des initiatives démocratiques et écologiques portées par la société civile.

L’Inde est-elle un laboratoire écologique et sa démographie est-elle une chance ? Au-delà des discours pessimistes, une rencontre pour tâcher de construire un futur où chacun a sa place.

Avec :
  • Bénédicte Manier, journaliste à l’Agence France Presse, auteure notamment de Un million de révolutions tranquilles : comment les citoyens changent le monde (Les liens qui libèrent, 2012), Made in India. Le laboratoire écologique de la planète (J’ai Lu, 2018) et de La route verte des Indes. Au pays des transitions écologiques et citoyennes (Écopoche, Rue de l’Échiquier, 2018)
  • Jacques Véron, démographe, directeur de recherche émérite à l’Ined, auteur notamment de Faut-il avoir peur de la population mondiale ? (Seuil, 2020)

Une rencontre animée par Clea Chakraverty, journaliste à The Conversation







Quelques notes au fil de l'eau :


7, 9 milliards d'habitants aujourd'hui
9, 7 en 2050
11 en 2100

Le "jour du dépassement" : le jour où on commence à consommer plus que ce que la planète peut produire.

"La Terre pourrait bien, non pas cesser de tourner, mais continuer sans nous."

La France (et d'autres pays) s'inquiète du vieillissement de sa population et mène une politique nataliste. Il y a aussi les restrictions du droit à l'avortement.

Un gros régulateur de la population avant, c'était la mortalité infantile. La médecine et la santé se sont améliorées depuis.

La population mondiale est mal répartie sur la planète : le gros de la population est en Asie, avec l'Inde et la Chine (2 milliards sur les 8). Les parties les plus peuplées de la planète étaient aussi les plus fertiles : les gens se sont concentrés dans les endroits où la vie était possible.

On va parler surtout du Rajasthan, nord-ouest de l'Inde ; et du Télangana, centre sud de l'Inde : ce sont des régions très différentes qui ont des problématiques assez proches.

La croissance démographique dépend de 2 ressources essentielles : les sols et l'eau. Il y a une surexploitation de ces 2 ressources dans certains endroits du monde, notamment en Inde. Les ressources s'épuisent : il faut les régénérer pour nourrir la croissance démographique.

Au Rajasthan, dans le district d'Alwar, les hommes ont lancé de grands travaux collectifs pour récupérer l'eau des pluies de la mousson (3-4 mois par an). 10 000 structures ont été construites pour collecter ces pluies : points de captage, canaux, bassins pour laisser l'eau s'infiltrer dans le sol.
Des points d'eau se sont formés spontanément une fois que les nappes phréatiques ont été remplies. Aujourd'hui, ce district a 2 ans de réserves d'eau : c'est une exception. Les rivières qui avaient disparu se sont remises à couler. Les fermiers ont pu passer à 3 récoltes par an.
L'écosystème est restauré : la biodiversité est revenue spontanément, ce qui ajoute aussi aux ressources alimentaires. Un cercle vertueux s'est mis en place.
Les fermiers produisent plus, et produisent moins de gaz à effet de serre, parce qu'ils se sont mis à l'agriculture bio (qui consomme moins d'eau). On sait que les produits chimiques dans la culture, c'est le 2e poste d'émission de gaz à effet de serre.
Ils ont aussi reboisé, ce qui absorbe le CO2.
Donc on voit une reprise en main complète de la gestion de ce territoire.

Au Télangana, il y avait un problème des sols : on utilisait des pesticides et des semences modernes qui ne fonctionnent pas sous ce climat.
Là ce sont les femmes qui ont tout changé. Elles ont tout repris en main dans l'agriculture, elles sont passées à des semences locales traditionnelles adaptées, à une agriculture écologique : fumure naturelle, permaculture (mélanger les cultures entre elles pour former une synergie qui protège les cultures entre elles et enrichit les sols). Dans cet écosystème restauré, les sols produisent énormément. Elles sont aussi passées à des cultures plus riches en protéines, ce qui améliore la nutrition : le millet, qui nécessite moins d'eau que le riz et est plus riche en protéines.

On peut donc (et il faut) avoir une agriculture régénératrice. 

L'exode rural s'est arrêté dans ces régions. Au Rajasthan, ils ont construit des écoles pour accueillir les nouvelles familles. Ils sont auto-suffisants et peuvent exporter une partie de leur production.

L'auto-suffisance de chaque région est quelque chose de très important. Ca permet aussi d'éviter les transports de nourriture qui émettent des gaz à effet de serre.

L'Inde essaie depuis longtemps de réduire sa population, par l'éducation à la contraception, mais la population n'en voit pas trop l'intérêt. Ca va mieux maintenant, mais les régions éloignées de l'éducation ont toujours une fertilité trop élevée.

Initiatives locales et politiques : les femmes du Télangana ont totalement repris en main politiquement cette question, avec la légitimité qu'elles ont acquise. Elles ont des assemblées de femmes où elles prennent des décisions collectives sur toutes sortes de sujets, dont la contraception, les crèches, l'éducation des filles. Il y a eu un point de bascule : elles ont été suivies dans leurs décisions politiques. C'est un cercle vertueux. Elles disent : "les politiciens n'ont plus rien à faire dans cet Etat, c'est nous-mêmes qui décidons". Elles ont un rôle moteur pour changer les modes de vie.

Les limites de cette solution, c'est la mobilisation collective. Ca reste trop une initiative locale. Il faudrait que les élus aident à transplanter ce modèle. Pour l'instant ça se fait uniquement par la voie citoyenne. 

Ré-irrigation et régénération des sols : ça se transmet de groupes d'habitants en groupes d'habitants, de pays en pays, et pas par la voie politique. Les politiques publiques ne connaissent même pas ces solutions locales, alors qu'on est dans l'urgence climatique planétaire.

Il faut une stabilisation du nombre de la population mondiale, et il faut que la condition des gens s'améliore dans les parties du monde les plus pauvres. Quel type de développement pour ces populations ? C'est l'éducation des femmes qui est concernée. Il faut ce développement pour que la fécondité baisse. C'est un enjeu critique.

Les modes de production et de consommation sont essentiels aussi.

Si on était 5 milliards et non 8, est-ce que tous les problèmes seraient résolus ? Est-ce que le facteur "croissance de la population" est si important ? On ne sait pas.

La croissance des villes est un vrai problème, elles sont éloignées des zones de production alimentaire, et c'est un gouffre énergétique, et elles polluent. Il faut relocaliser la production, la rendre plus proche pour faire cesser ces transports. Il faut concevoir le développement des villes avec des ceintures vivrières, agricoles. Il y a bien des demandes de "paniers bio" venant d'Ile de France, mais c'est microscopique. 

L'idée est de rendre chaque territoire, urbain ou rural, auto-suffisant en nourriture et à partir d'une production durable. 5 milliards d'habitants qui produisent et consomment comme aujourd'hui, ce n'est pas vivable. Mais 9 milliards qui auraient complètement régénéré leurs écosystèmes et relocalisé leur production à partir de ressources durables, ce sera peut-être vivable. Il faut essayer, parce que... on n'a pas le choix.

Quand la mondialisation a commencé, c'était l'idée d'avantages comparatifs, chaque pays avait des avantages par rapport à d'autres. Fait de manière raisonnable, ça aurait pu être tenable, voire vertueux. Mais en pratique, la mondialisation s'est alimentée des inégalités extrêmes, des salaires inégaux, des pays pauvres exploités. La santé, etc, a aussi payé le prix fort. C'est donc un système qui ne fonctionne plus, on le voit bien. On est arrivé aux limites de ce système.

La prise de conscience est locale, mais elle commence à se diffuser. Les politiques publiques ne s'en emparent pas, mais les gens commencent à faire ça d'eux-mêmes (la permaculture). Les politiques publiques ne sont pas efficaces quand elles n'accompagnent pas quelque chose qui vient des individus. Les endroits où les politiques fonctionnent, ce sont ceux où les gens sont déjà convaincus, demandeurs. Les politiques publiques doivent soutenir les initiatives locales qui vont dans le sens de l'auto-suffisance et du durable.

Et en Afrique ? Les problèmes de démographie et de production locale sont les mêmes, avec en plus l'insécurité qui est un énorme risque de déstructuration des pays.

Si on résout le problème démographique, est-ce qu'on a tout résolu ? On ne sait pas. Il faut sortir du discours radical "oui - non".

Les initiatives locales choisissent soigneusement leurs cultures et productions pour répondre aux besoins locaux, et pour ne pas rentrer dans le jeu des exigences de la mondialisation. La prospérité visée est avant tout locale. Elle peut aussi créer sa propre "marque" bio pour l'exportation, avec l'origine locale soulignée. C'est cette "pureté" qui fait la valeur de la production et la rend exportable, avec un label. Ca lutte contre la désertification et les migrations, également en Afrique.

C'est la population aisée des grandes villes qui a stimulé la production du bio. Le combat urbanité - cultures bio n'est pas perdu. Ces populations sont de plus en plus ouvertes au bio. Les gens parlent entre eux, ont de plus en plus confiance. Ca se diffuse. La classe moyenne est très prescriptrice : c'est toujours celle qui engendre les tendances durables.

On a lancé l'urbanisation au niveau mondial sans prévoir l'approvisionnement. Aujourd'hui les villes ont 3 jours d'approvisionnement devant elles. En plus les mégalopoles sont des îlots de chaleur, avec des canicules. Les urbanistes commencent à peine à s'emparer de ces questions.

On entre dans une période de post-globalisation : on essaie de revenir aux productions locales, et pas seulement pour la nourriture (exemple : masques covid). Ca peut se faire assez vite.

Il y a aussi de la mobilisation pour faire basculer la politique : des fermiers indiens peuvent bloquer des villes et obtenir ce qu'ils veulent, induire des prises de conscience du consommateur urbain.

Et la question du climat, en lien avec la démographie ? Il ne faut pas confondre population et activité humaine. C'est le comportement qui va déterminer un certain nombre de choses. Les actions politiques sur la population mondiale : une politique efficace dans ce domaine n'aurait de résultats que dans 25-30 ans. Il faut le faire, mais ce n'est pas une solution pour maintenant. Il faut une stabilisation de la population mondiale, mais comment l'obtenir sans obligation / interdiction ? Espérer une régulation naturelle ? En tout cas, rien de cela n'est une solution immédiate au problème.

Il faut mettre en avant davantage d'exemples et d'initiatives positives.


Création : 19/11/2021

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