Un
autre univers
Ce qui est assez
frappant dans les textes de Damasio, c’est qu’il prend des
éléments tout simples qu’on pensait connaître : le vent,
l’eau, l’air ; et il en fait des choses nouvelles et
dangereuses. Pour les personnages, cela ne représente rien de
particulier : ils ont l’habitude depuis leur enfance de se
heurter au vent (dans La Horde du Contrevent) ou à
l’air (dans La Zone du Dehors). Mais le lecteur, lui,
entre dans un nouvel univers où il voit des personnages passer toute
leur vie à lutter contre le vent ou mettre des combinaisons pour
aller explorer les alentours de leur ville. Ce qui est banal pour les
uns ne l’est pas pour les autres. Ce renversement est inédit et
très intéressant.
Adapter
les éléments à l’homme ou s’adapter à eux ?
Dans la réalité et dans la science-fiction, l’idée est toujours d’essayer d’adapter les éléments à l’homme : on veut prévoir et même contrôler les tempêtes, tremblements de terre, éruptions volcaniques, etc. Les auteurs de science-fiction ont inventé le terme « terraformation » : c’est la transformation d’une planète pour la rendre semblable à la Terre, pour la rendre habitable, ce qui passe entre autres par un contrôle du climat.
Alain Damasio prend cette idée à rebours : dans ses univers, les éléments naturels sont incontrôlables, et les tentatives faites dans ce sens sont vouées à l’échec ou à de très petites victoires.
Le vent reste totalement hors de contrôle dans La Horde du Contrevent, et ce qui est frappant, c’est l’insistance des membres de la horde à essayer non pas de maîtriser le vent mais de le comprendre. Ils décryptent ses caractéristiques, lui donnent différents noms, adaptent leurs stratégies pour y faire face, mais ne cherchent jamais à le contrôler. Ils le disent eux-mêmes : ce serait une erreur, ils doivent le ressentir, vivre et avancer avec, et non le maîtriser. C’est une sorte de respect qu’ils témoignent à l’adversaire contre lequel ils vont lutter pendant toute leur vie, avec lequel ils vont ne faire plus qu’un.
Plus que de constater que les éléments restent incontrôlables, Damasio défend ici l’idée qu’il ne faut pas chercher à les maîtriser, mais qu’il faut bien au contraire s’adapter à eux. Cela rentre dans une sorte de respect des choses, des êtres et de la vie, qui pourrait être érigé comme un principe de vie dans l’œuvre de Damasio. C’est une perspective nouvelle et rafraîchissante pour les lecteurs habitués aux univers contrôlés comme ceux de l’œuvre d’Isaac Asimov.
Création : 02/10/2015
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